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L’énigme et l’imaginaire, Flavie LT

Henry-Claude Cousseau

Flavie L.T., qui ne connaît pas le repos du savoir satisfait ou de l’expérience conclusive, reconduit sur un mode à la fois fervent et insatiable, la figure de l’artiste ingénieur ou plutôt celle de l’artiste chercheur. Cette figure voudrait que le réel se traduise dans des formules et des combinaisons qui révéleraient des sens cachés. La tâche est vaste, et son échelle indéfinie. D’où le fait que les pratiques de Flavie L.T. sont multiples, qui vont de la sculpture à la photographie et au film, du dessin conceptuel à l’installation, et ne refusent ni la séduction de l’image saisie dans un moment de grâce, ni les spéculations audacieuses de la géométrie ni les énigmes visuelles qu’elles entraînent.

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C’est dans ce sens qu’elle s’intéresse à la fois aux formes premières, non pas primitives, mais initiales, venant de la pensée qui les aurait formulées dans un temps des origines. Qu’elle détecte dans celles que son regard sélectionne aujourd’hui, cette ancienneté, ce langage venu du fond des âges.


C’est sans doute aussi pourquoi Flavie L.T. aime à voyager, s’immerger dans des cultures autres, pour mieux mettre à l’épreuve la perspicacité de son oeil, pour mieux mesurer aussi combien son intuition de l’existence d’une langue en quelque sorte générique, est de nature à sublimer toutes les différences, toutes les variations, et même toutes les métamorphoses auxquelles la diversité supposée du monde nous a amené à croire. Le séjour à Pékin, dans le cadre de sa résidence à Yishu 8 (prolongé ensuite en Corée) a, semble-t-il, parfaitement répondu à cette attente. C’est là, dans le pays des signes, qu’elle a pu relever, au-delà d’impressions visuelles et d’expériences concrètes décisives, une somme, une collection d’indices, en un mot un vocabulaire, qui pour elle (et pour nous) articulent précisément la mise en place d’une langue qui donne accès aussi bien à ce qu’elle a vu, qu’à ce qu’il y a à comprendre dans l’altérité dont elle a fait l’expérience et dans les rébus qu’elle nous présente.
La rigueur des processus qu’elle met en place, qui s’apparentent souvent à ceux de la perfection artisanale ou de scénarios savants, ne doit pas nous tromper ni nous éloigner du sens exact de son travail. Flavie L.T. aime à l’évidence les énigmes. Mais elle ne fait que porter à notre regard celles qui nous entourent et dans lesquelles nous sommes enfouis. A l’instar de Roger Caillois dont elle aime la pensée, elle ne se laisse pas dominer par elles, et elle les affronte avec ardeur. Mieux, ce sont elles qui lui permettent finalement d’ouvrir une brèche (pour reprendre ses mots) dans l’obscurité (ou l’éblouissement) du monde, et ce sont finalement elles aussi qui rompent le mutisme de la matière, qui dissipent l’hermétisme des formes et des images, en faisant soudainement entrer le souffle indomptable de l’imaginaire.

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