Kong Shengqi
"Abracadabois"
Novembre 2021
Texte|Ambrine LAZREUG DIDIER
Il était une fois, Kong Shengqi, une jeune artiste chinoise qui transforma d’un coup de baguette magique l’appartement “Chez Tante Martine” en un refuge pour créatures enchantées. Il se murmure que les voisins l'ont entendu s'exclamer : Abracadabra. Abracadabra, cette formule qui convoque nos souvenirs d'enfance et nous fait basculer dans l’imaginaire. A Yishu 8, cette métamorphose fut celle du bois, qui en passant entre les mains de l’artiste Kong Shengqi a pris la forme de sculptures étranges, dont on ne sait si elles nous amusent ou nous effraient.
Fascinée par les encyclopédies anatomiques, Shengqi envisage le bois comme s’il s’agissait d’un corps humain. Elle observe la carnation de son écorce comme une peau et l’effleure pour sentir la chaleur qui s’en dégage. Puis, elle s'intéresse à son esprit. La coupe, qui laisse apparaître les rainures du matériau, lui indique le caractère du bois. Dans la tradition chinoise, le bois est le symbole du printemps, de la croissance et de la vitalité. Il est l'élément de l’énergie jaillissante. Ainsi, nous ne trouverons aucun dessin préparatoire dans l’atelier de l’artiste. Le bois, vivant, renferme déjà en son creux un être qui ne demande qu’à être libéré. Guidée par le souffle vital présent dans la souche, l’artiste ne crée pas, mais donne vie. Si elle ne souhaite pas que l'on rapproche son travail d'une forme de mysticisme, il n'en demeure pas moins mystérieux de la voir façonner ses “apparitions”.
Dans la salle à manger de Tante Martine, de curieux crocodiles sont accrochés en trophées au mur. Taillé dans une branche de peuplier, un crocodile, siamois, possède une tête à chaque extrémité. Dans la gueule béante d'un autre, nous sommes surpris de voir le visage d’un homme, qui semble étonnamment serein dans cette posture. Une scène que l'artiste a vu lors d'un spectacle en Thaïlande.
Les sculptures de Kong Shengqi ne restent jamais seules. L'artiste les rassemble dans des mises en scène bigarrées et pleines d'humour. A côté de la chambre, elle a placé de drôles de chats. Sculptés à partir d’un morceau de bois humide, récupéré en bord de mer, elle a décidé de les déguiser en animaux marins. Un chat-concombre de mer, un chat-phoque et un chat-raie ronronnent sous le regard d’une goutte d’eau suspendue au mur.
Surnommée Kiki, en clin d'œil au dessin animé de Miyazaki, cette artiste-sorcière nous plonge dans un monde surnaturel qui nous laisse croire qu’à la nuit tombée ces esprits de la forêt viennent nous retrouver.
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