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L'atelier de Dong

Henry- Claude Cousseau 

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"L'Histoire est comme un tapis". Que veut dire Liu Xiaodong en disant cela ?

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Dong est un peintre qui s’intéresse autant à la peinture qu’à son histoire. Autrement dit un chemin au long duquel on peut marcher, au cours duquel la découverte est de mise, un espace avec des paysages et des aperçus imprévus mais révélateurs d’une dimension encore ignorée des choses, où le regard n’est plus absorbé dans une réalité qui le dépasse et l’engloutit, mais impliqué dans une distance qui lui fait comprendre des mécanismes oubliés, lui fait percevoir des détails imperceptibles, peut-être des réalités invisibles à l’œil ordinaire.

Pour lui peindre ne veut pas seulement dire de recourir aux techniques usuelles de la peinture, celles des pinceaux et des couleurs, mais d’utiliser aussi les ressources du vaste savoir qu’elle engendre au jour le jour. Pour lui peindre c’est jouer des rencontres entre pratique et connaissance, empirisme et culture. 

 

Comme tout artiste lettré chinois, Dong a ouvert bien des livres, a lu bien des textes, regardé bien des images. Et comme tout lettré informé et savant qu’il est, il en a retiré des réflexions à la fois pratiques et subtiles. Il aime ainsi à citer, à parodier, à gloser, voire à imiter, selon la longue tradition dont il est issu. Mais non pas comme on le croit d’ordinaire, pour répéter un modèle, pour tirer parti d’une recette éprouvée, pour faire croire à je ne sais quel défi de supériorité, mais tout au contraire, découvrir, approcher un secret. .

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« Chez Tante Martine », Dong nous montre une série de travaux exemplaires de cette attitude. Il a longuement observé les maîtres de l’abstraction américaine, en particulier, dans sa phase expressionniste, Mark Rothko, ou le Color field avec Elsworth Kelly et Raymond Parker. Et au prétexte de leur rendre « Hommage » (tel est le titre de la série), il les prend, non sans un audacieux humour, au piège, si l’on ose dire, de leur contribution majeure à l’histoire de l’art. L’interprétation picturale qu’il en donne prend littéralement à rebours ce qui fait la marque de leur génie.

Quand on regarde de loin les peintures de Dong, on croit voire une série de petites reproductions peintes des chef-d’œuvre de Rothko, selon un principe de variations chromatiques étourdissantes. De près, on est tout simplement en face de plats et de tranches de livres, mais délicatement colorés, dans la plus pure tradition savante de l’illusionisme. . Et comme dans la tradition classique de la peinture chinoise on découvre alors une toute autre réalité. De même des géométries colorées de Kelly, soudain transformées en joyeuses et roboratives palettes de couleurs.

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Mais Dong poursuit sa vision ironique plus loin encore. Passe que son regard moqueur s’attache à nous dévoiler les subterfuges de la face noble du tableau. Mais voilà qu’il s’attaque aussi à l’envers du décor, et que le châssis fait au même titre, les frais de son œil impitoyable. Il aura vu les travaux d’un Claude Rutault, certainement, peut-être le fameux autoportrait de Poussin ? Avec lui la déconstruction garde néanmoins un air moins radical et pourrait-on dire plus affectueux : le châssis reste aussi accueillant à ses tableaux que le tableau à ses images, jouant soudainement le rôle bienveillant de chevalet improvisé. 

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